Tour de l'île 2016
Chaque année a lieu le tour de l'île, petite manifestation nautique qui réunit une quinzaine de bateaux sur l'eau pendant trois jours: vive la religion et sa pléiade de jours feriés! L'année dernière, j'avais eu un super week-end avec Graziella, Audrey et Greg.
Si le parcours est réglé (escale à M'zouazia et Andréma), la difficulté reste à chaque fois d'avoir l'équipage parfait pour passer le meilleur moment possible. Ayant eu des déconvenues quelque temps avant en matière d'équipage, j'avais un peu fermé l'appel à candidats et décidé que Sandrine seule monterait à bord. Et puis… j'ai rencontré Antuya, et puis, Clément et Audrey cherchaient un voilier pour la première étape. Ça allait bien, puisque Sandrine n'était pas libre le samedi.
On se retrouve donc à quatre sur IRMA, à foncer au près, en direction du Sud, pour rejoindre M'zouazia. Antuya n'a navigué qu'une seule fois à bord, les autres jamais, chacun cherche donc ses marques !
Antuya, cette fois, décide de partager la barre avec ses petits camarades, chose qu'elle n'avait pas jugé bon de faire avec moi !
À virer de bord. Ça s'active, ça s'organise, ça se met en place. J'adore regarder ça de loin, dans mon coin, sans rien dire…
Je vous laisse juger avec la photo de droite la facilité qu'a Antuya à nous fourrer le winch avec une écoute. Ce n'est pas encore un bonnet turc, mais on en est pas bien loin…
Je profite d'un vent faible pour monter en tête de mât, régler la girouette qui indique le vent, et les secteurs de près.
On se rapproche de Saziley et de son îlot de sable blanc, toujours aussi majestueux :
Passé Saziley, on commence à se faire rattraper. Il faut dire que mon bateau ne fait pas partie des plus rapides, mais je pars souvent plus tôt que les autres, on se fait donc doubler par les mêmes dans la deuxième moitié des parcours.
C'est le multi-mono, le voilier de l'école de voile, qui ouvre le bal. On les ravitaille, les pôvres !! Et les voilà repartis, à la poursuite du soleil…
Éros et Sabot de Vénus suivent, et… se suivent. Sabot envoie le spi asy, pour se débarrasser de son poursuivant.
Un de nos kayaks se retourne, et brise son amarre. Bien sûr, nous sommes plein travers, sous spi. L'occasion de vérifier que l'équipage commence à prendre ses marques ! Il faut passer vent-arrière, veiller la barrière de corail, récupérer spi, tangon, écoutes, virer de bord, renvoyer le génois, reprendre le meilleur près, manœuvrer, et récupérer ce foutu rafiot… Turtle en profite pour nous passer, et nous renvoyons le spi pour rattraper notre retard. C'est que Sandrine nous attend depuis deux heures, et il nous faudra encore une heure de plus pour rejoindre le mouillage de M'zouazia.
Tous fatigués, nous restons à bord pour profiter au mieux de la nuit. Clément nous fait des bananes au chocolat, comme si on n'avait pas assez mangé !
Au petit matin, on peut admirer tous les bateaux au mouillage, qui sont arrivés petit à petit, dans la nuit noire d'hier.
Après avoir débarqué Audrey et Clément, après avoir re-mouillé pour aller chercher un moteur tombé par six mètres de fond dans une eau turbide au maximum, nous remontons l'ancre pour partir naviguer le long de la cote Ouest.
Pitalugue, parti un peu avant, nous attend, pour mieux nous rattraper. Volange, lui, nous colle au cul. Notre leurre de canne à pêche doit être juste sous sa quille… Il faudra envoyer un deuxième génois pour le semer définitivement.
Les filles, qui ne se sont jamais rencontrées auparavant, se trouvent tout de suite, et sont touchantes de tendresse, de gentillesse et d'écoute. Je ne me souviens pas avoir touché la barre sur cette étape.
Là, Antuya explique à Sandrine comment elle va pouvoir rattraper les autres grâce à certaines connaissances qu'elle a acquises dans le domaine de la physique quantique nautique. San écoute avec attention pour comprendre son rôle dans l'histoire !!
Et voilà Pitalugue qui continue de nous narguer… Ce bateau avance décidément du feu de Dieu !!
On arrive dans le Nord-Ouest de l'île, et ses nombreuses plages. Les filles sont en extase.
Je décide de profiter d'une mer très calme pour relâcher sur le banc Boa, situé juste à côté des îlots Choazils. Après avoir mouillé rapidement le bateau, je sors vite le matos de plongée.
Avant de quitter le voilier, Antuya, qui préfère rester à bord, m'interpelle rapidement, : «Hé!!… Le mouillage, c'est bon, t'es sûr ?! -Ben ouais, c'est bon, tu crois quoi, toi?!» Ohlala, ces nanas, comme si je ne savais pas jeter une ancre…
Je rejoins en kayak le point culminant du récif, et je me mets à l'eau, pour une plongée rapide, puisque ma bouteille n'est qu'à moitié pleine. Les photos ne sont pas extraordinaires :
Un chirurgien. Je n'avais jamais vu cette espèce :
Et je tombe sur le Nyamba, qui forme à la plongée au recycleur. Le recycleur est cette espèce de truc bizarre, tout jaune, et qui ne fait pas de bulles. On récupère l'air expiré, chargé encore à 16 % d'oxygène, et on réinjecte les gaz nécessaires pour avoir un mélange à nouveau respirable à 21% d'oxygène. On reste donc plus longtemps sous l'eau, et comme il n'y a pas de bulles, la discrétion est maximale. Il paraît que le plus angoissant serait d'entendre son cœur battre sous l'eau, puisqu'il n'y a alors plus aucun bruit !
Quand je remonte à la surface, mon kayak est un peu loin, et il me faut bien palmer 10 minutes pour le rejoindre. Je pagaie ensuite pour rejoindre IRMA. Après 3 minutes, je trouve le bateau un peu loin. Au bout de 5 minutes, je le trouve vraiment loin…
Je repense à la remarque d'Antuya : «Hé, le mouillage, t'es sur que c'est bon, hein?!». Il paraît maintenant certain que l'ancre a décroché, et qu'elle doit pendre dans le bleu, le bateau à la dérive, en route vers les îlots. À bord, soit San et Antuya sont paniquées, soit elles ne se sont rendues compte de rien. J'ai bien une idée sur la question…
Et en effet, ça roupille sec sur le bateau quand j'arrive, et de grands sourires m'accueillent : «Alors, c'était comment ?! -San, le sondeur dit quoi ? - Ben, 40m, comme quand on a mouillé, pourquoi ?! -Non, non, c'était 40 pieds, quand on a mouillé, vous êtes parties, là!!»
Je remonte donc l'ancre qui pend au bout de sa chaîne, pendant que les filles renvoient les voiles. Elles commencent à prendre l'habitude du bateau, et se débrouillent de mieux en mieux. C'est très agréable d'avoir de moins en moins de choses à expliquer, et de voir que les automatismes rentrent petit à petit !
L'aérologie est un peu particulière dans le coin, et il faut être patient pour se rapprocher de la cote. Les filles sont attentives à tout, et se laissent hypnotiser par le paysage.
On arrive en fin d'après-midi dans notre petit coin de paradis, la plage du Préfet : une grande plage, un platier magnifique, un tombant fabuleux. Le bonheur sur terre, le paradis sur l'eau, bref, le pied.
C'est déjà là que j'avais mouillé avec LN, ce qui m'avait permis de faire plusieurs très belles photos.
Une fois la bouée prise, on a tout le temps d'apprécier un bon thé à la menthe.
Et les filles partent à l'eau…
J'en profite pour monter en tête de mât. Le coucher de soleil est bien jaune, et… mais oui, c'est bien Alice, qui voile dans ce magnifique plan d'eau, minuscule point au milieu de l'eau.
Mon bateau, vu d'en haut.
Antuya, magnifique petite cocotte à l'intelligence rare. Merveille de pétillance, de subtilité et de malice.
Et on attaque la cuisine, avec un horizon qui prend feu. Au menu : feuilletés divers, cuits à la poêle, 20min de chaque côté, feu au minimum, couvercle sur l'ensemble. Une merveille…
Le lendemain, je me réveille tôt. Antuya a muté à l'aube, pour somnoler avec vue sur le paradis.
Deux pêcheurs malmènent son sommeil, en passant plusieurs fois, avant de prendre le large.
Après un petit dej. vite avalé, nous partons sous l'eau. C'est toujours magnifique…
Nous rejoignons la plage. L'occasion de quelques photos.
Les impuretés sur ces photos sont dûes au caisson sous-marin, qui reflète les rayons du soleil.
Paradis sur terre ? Antuya dit que si le paradis ne ressemble pas à ça, elle ne veut pas y aller… Difficile de ne pas être d'accord…
Une peau couleur de roche…
Des petites flaques d'eau, pleines de vie. Ses habitants devront attendre la marée haute pour retrouver une eau moins chaude et un peu de liberté. J'adore observer pendant des heures ces flaques, faites de sable, d'algues, d'araignées de mer, de minuscules crabes, de coquillages, de poissons, bref, d'un écosystème particulier. On arrive à y trouver des murènes, voire même de les surprendre à chasser pour se nourrir, c'est joli.
Le syndicat d'initiative fait bien les choses. Un magasin de chaussures est présent sur tout le haut de la plage. On peut même trouver des paires, certaines en bon état, mais il faut chercher longtemps…
On retourne à l'eau, pour rejoindre Sandrine.
Les filles décident de m'emmener en balade. C'est gentil, ça !!
Elles veulent faire le tour de l'îlot M'tsamboro, et je décide de leur laisser l'initiative des manœuvres, du bateau, bref, je veux bien tirer sur les ficelles, mais à condition qu'on me dise lesquelles !
Il leur faut donc faire un peu de lecture de paysage. C'est Sandrine qui s'y colle, avec talent ! Moi, je ravitaille en boisson, parce que les cartes, aujourd'hui, je les tiens à l'envers !
Vous lisez l'inquiétude qu'il y a dans ces regards ?!
L'îlot Mtsamboro, depuis le nord.
En sortant du lagon, la mer est formée, mais ça n'a pas l'air de déranger l'équipage. On fonce dans la piaule, IRMA fait le boulot, les filles aussi, même si quelques décisions sont prises un peu tard, et si je dois parfois intervenir. Par exemple à 50m du platier, alors que personne n'envisageait une seconde de virer. On contourne le long platier de la face Ouest de l'îlot, puis on abat en grand pour rejoindre les Choazils.
Après avoir mouillé quelques dizaines de minutes pour permettre à San d'aller voir les fonds, on repart à notre paradisiaque plage du préfet, notre chez nous !
On longe la plus grande île Choazil, avant de se faire coincer dans la pétole. Je prends la barre, et les filles se reposent. Après une heure, le vent reprend, et on peut à nouveau faire un cap direct sur la plage.
Il faudra tout de même finir avec 5 minutes de pagaie à l'arrière du bateau…
Les filles pètent le feu (mais où trouvent-elles autant d'énergie), et proposent de faire des galettes de blé noir pour le repas. Le meilleur équipage que que j'ai pu avoir. Elles sont formidables.
Je vous épargne les deux heures de dialogue entre mes deux pépettes pour déterminer la meilleure façon de faire la galette parfaite : Et que je te sépare l'œuf, le blanc dedans, le jaune dessus, regarde, moi, je préfère mettre le fromage comme ça, mais attends, regarde, essaie avec des sardines écrasées, c'est excellent, mais non, regarde, moi, le beurre, je le mets pas dessus, ça permet de dorer la galette avant de la servir, ah oui, tu as raison, une louche un quart, c'est l'épaisseur parfaite, je n'aurais jamais pensé, bravo… Bref, une cacophonie des plus farfelues entre une mahoro-franco-normando-je-sais-pas-trop-quoi et une rennaise, qui, à la fin du repas, ont fini toutes les deux par m'avouer que c'était la première fois qu'elles faisaient cuire la galette même, à partir de la pâte !!
Et comme je suis gentil, j'ai fait les galettes pour le dessert. Chez moi, on dit crèpes, et on fout du lait et des œufs dans la pâte, mais quand j'ai parlé de ça, les filles ont hurlé de concert !! Ok, ça va, j'ai rien dit…Rhhôôôô…
Le lendemain, à 7h pétantes, Antuya étarque la grand-voile, Sandrine met le foc à contre, je largue la bouée, et nous nous éloignons pendant que le soleil prend un peu de hauteur sur la situation, et que je cuis les dernières galettes. On s'éloigne doucement au grand-largue, pendant qu'Antuya nous place sur la carte grâce à des relèvements. Elle donne alors les caps à suivre à Sandrine, puis finit par identifier la latérale qui va nous permettre d'éviter le récif Chaloupe, au Nord d'Andréma. On serre alors le vent, pendant qu'il se lève. Antuya est à la barre, très calme, surveillée par la Grande Prêtresse dans sa robe d'apparat.
Après avoir assisté à la chasse au kwassa par la douane dans la baie d'Andréma, on vire de bord, pour affronter les éléments, et rejoindre Petite Terre. Il y a 25 nœuds de vent, et on rentre enfin dans le vif du sujet, avec un cap pas dégueu du tout.
La mer se creuse, et on commence à patauger. Dans un bon coup de gite, Antuya se fait une petit frayeur : «On va pas coucher le bateau, quand même ?!», demande-t-elle calmement avant de reprendre son cap… Bon, d'accord, il faut réduire la voilure, les passavants sont dans la flotte: «Hééééé, Adrien, ça mouille, c'est normal?», demande toujours Antuya…
On tire ensuite un petit bord qui nous ramène près de la terre, dans une mer plate, mais un vent fort toujours bien présent. C'est alors un plaisir de barrer, bateau gîté à 35°, mais qui ne force absolument pas. Bon, c'est sûr, si on prenait un ris dans la grand-voile, on pourrait border un peu plus, mais la bôme est déjà bien dans l'axe, je laisse comme ça.
Mitterand grossit rapidement devant nous, il y a encore un petit contre-bord à tirer pour bien parer tous les obstacles, puis nous rejoignons rapidement le mouillage, pour voir que ma bouée de coffre se trouve… sur le pont d'un bateau voisin !
Après un premier passage pour repérer les lieux, un petit bord de cape pour réfléchir, on remonte au près jusqu'au quai de la barge, et v'lan, on retourne dans le mouillage. L'ancre est à poste, les consignes ont été distribuées à tous, chacun sait donc ce qu'il a à faire, il n'y aura pas besoin de gueuler.
On abat en grand, on esquive chaque étrave, lofe, lofe, lofe encore, le foc est progressivement enroulé pour casser l'aire, Antuya lofe encore, et quand le bateau est à l'arrêt, je mouille trente mètres de chaîne. Le temps de faire cela, de me retourner, les filles ont déjà tombé la grand-voile, rangé les prises de ris, et plié la voile dans le lazy-bag !
San m'aide à mettre en place la chaussette de génois, c'est juste 4 minutes de travail à deux, et j'entends Antuya crier : «La table!» Oui bah ça va, y a déjà tout le cockpit à ranger, on mettra la table après, y a pas le feu. Non, c'est bien «À table», que disait Antuya : elle avait déjà plié chaque cordage, décalé la manille d'écoute de GV, et installé la table qui est pourtant longue à mettre en place. Et quand j'arrive dans le cockpit, la cocotte-minute est déjà sur la table, les verres, couverts et les assiettes aussi…
L'équipage parfait, capable de prendre totalement en main un bateau en trois jours, c'est possible ?!
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